Activisme passif vs passivité active
Jonathan Simard, Université LavalDate de publication: 2024-12-10
Résumé
L'activisme passif, qui inclut toute forme de revendications ou de manifestations des activistes soumis à la tyrannie, est en bataille contre la passivité active, qui inclut toute forme d'exploitation qui permet aux tyrans de gagner leur vie sans travailler. Ç'a toujours été ainsi, entrainant la passivité passive, c'est-à-dire l'apathie face à la désintégration du bien comme du sens commun, à se répandre comme un virus, tandis que l'activisme actif, c'est-à-dire architecturer une alternative viable pour les générations futures si ce n'est pour soi-même, est en déclin par un manque notable d'imagination et un aveuglement plus ou moins volontaire face au dernier mythe qui régit la société comme les individus : l'argent.
Mots-clés: créative, capitalisme, finance, révolution, religion, utopie
Dans un premier temps, nous allons définir ce que sont l’« activisme passif » et la « passivité active » en les cadrant dans leur contexte. Ensuite nous verrons comment passer de la passivité passive à l’activisme actif. Et pour conclure, nous allons nous projeter dans le futur comme un cocktail Molotov contre la vitrine de l’oppression.
De tout temps, l’activisme a été un mouvement réactionnaire à une forme de tyrannie. Rares sont les activismes qui combattent le bien commun (hormis le capitalisme qui, par les préceptes des actionnaires passifs, revêt le costume grotesque du point culminant de notre civilisation). Toutes les semaines, que ce soit des foules dans les rues ou des barricades pour bloquer certaines infrastructures, nous pouvons voir des manifestations d’activisme. Malheureusement, leur inefficacité est ce qui convainc les gens de ne pas devenir activistes. Heureusement, certains résistent, mais à quoi bon ?
Par quel manège psychologique un activiste peut-il croire que son action change la face du monde quand elle se résume à quémander la pitié des tyrans ? Car c’est de l’activisme passif, peu importe de quel point de vue on se place. Ça revient à demander des changements que l’autre parti n’a aucune obligation d’offrir. Le tyran peut arbitrairement dire « non », il n’est soumis à aucune logique, aucune raison ou même aucun devoir. « On veut des meilleurs salaires » veut dire : « par pitié, donnez-nous plus d’argent sinon, vous verrez, nous allons quand même travailler ! » « Réduisez les impôts » veut dire : « par pitié, laissez-nous plus d’argent sinon, vous verrez, nous ne protesterons pas plus ! » Il n’y a pas de conséquences aux revendications ignorées parce que, la plupart du temps, ces conséquences auront davantage de répercussions négatives sur le tissu social que sur ceux qui se torchent avec. Et quand il y en a réellement, comme par exemple la Révolution française, la tyrannie est remplacée par une autre parce qu’on remplace les gens au lieu de remplacer les idées, en particulier celle de l’argent.
Les plus observateurs d’entre vous auront remarqué la distinction entre l’activisme passif et les susnommés « actionnaires passifs ». Ce n’est pas accidentel. Si l’activisme passif est l’action des passionnaires actifs à quémander la pitié des tyrans, les actionnaires passifs font l’inverse, la « passivité active » : ils « quémandent la pitié » des opprimés en leur réclamant la plus grosse part de leur labeur, vol justifié par l’établissement de la propriété privée, pour ne pas avoir à travailler activement eux-mêmes et profiter de leur passivité rentable. Et les opprimés acceptent car, par définition, ils sont plus dociles que les tyrans. Ils croient ne pas avoir le choix, ce qui n’est pas totalement faux. Il faut bien payer la dette infinie de notre existence finie.
On pourrait d’ailleurs aussi parler des démarches philosophiques pour faire valoir la position du prolétariat, mais encore une fois, ceux qui y peuvent quelque chose diront toujours « non ». Les actionnaires passifs n’ont pas peur des mots ou des concepts et tous ceux inventés par les passionnaires actifs ont été ridiculisés à outrance. Ça va prendre de nouveaux mots et de nouveaux concepts, mais pour ça, ça prend de l’imagination ; il faut arrêter de chercher les solutions dans le passé et ne pas craindre le futur.
C’est pourquoi les gens en général choisissent la passivité passive. « L’humain est comme ça, c’est ça qui est ça, ça a toujours été comme ça et tant qu’il y a pire ailleurs, c’est pas si pire » qu’ils se disent en fêtant leur mythe économique à la première occasion. C’est là que l’activiste actif dit « non ».
Certes, l’humain cherche la paix. Il préfère, et de loin, une paix relative dans l’adversité que de faire la guerre ouverte à cette même adversité dans l’espoir futile d’une paix absolue qui ne s’envisage même pas. C’est ici que l’activisme actif prend tout son sens. L’activiste actif ne quémande pas, il bâtit une alternative où personne ne pourra lui dire « non ». Or, quelle forme pourrait prendre cette alternative ?
Une chose est certaine, c’est que le droit divin liquide (argent/capital) est le fondement du problème par le pouvoir qu’il offre et l’obéissance qu’il demande. Tant que l’activiste actif ne saisit pas ce point vital, il est condamné à répéter le passé. L’Histoire nous l’a démontré à plusieurs reprises : l’argent, le fil de notre tissu social, a toujours été le moyen des tyrans, davantage que n’importe quelle idéologie. L’argent, déconnecté de l’éthique, est le moyen de faire faire ce qui ne se fait pas, de rendre réel ce que personne de sensé ne voudrait rendre réel. L’inverse n’est pas vrai, c’est-à-dire que toutes les bonnes choses que le monde nous offre, nous les aurions accomplies quand bien même que l’argent ne nous aurait pas forcés. L’argent est un accident de parcours, pas le fondement de notre civilisation. Il est la seule chose que nous n’avons pas déconstruit et c’est lui qui nous déconstruit en attendant notre éveil.
Pour avoir des droits, il faut du capital. Étant une propriété privée, le capital n’a aucun devoir envers quiconque hormis son propriétaire. Il faut donc que les activistes actifs s’inventent leur propre capital, qui ne sera pas régi par les mêmes lois, histoire de ne pas simplement se croquer une partie de l’économie, mais bien de créer un nouvel ensemble hermétique à l’ancienne économie. Ce capital novateur devra être émis de façon morale pour dynamiser les bonnes initiatives sociales et pour dédommager les victimes de l’actuel système économique. Il nous faut un dialogue entre deux argents au lieu d’être soumis à l’hégémonie d’un seul. Nommons ce nouveau système non économique « géninomie ».
« Oui mais l’inflation », s’exclameront les apôtres du statu quo. C’est là que l’imagination de l’activiste actif dévoilera toute sa vitalité. Puisque le nouveau capital n’est pas inclus dans l’économie, faisant partie d’un autre tout géninomique, sa valeur n’a pas besoin d’être établie par l’offre et la demande. Un consensus entre tous les participants de ce que nous appellerons l’« Ensemble Potentiel » sera suffisant. Les nouvelles technologies cryptographiques pourront alors servir ces deux fonctions, c’est-à-dire l’émission de la nouvelle monnaie et le consensus de sa valeur. Celle-ci devrait, pour ne pas être influencée par l’inflation, être basée sur une valeur de genèse à sa première émission et perpétuellement pondérée selon les différents indices économiques pour assurer la pérennité de son pouvoir d’achat ; un bancor du peuple, pour les connaisseurs des idées de John Maynard Keynes. Et puisque l’ancien argent sera toujours régi par les lois économiques, il perdra de sa valeur par cette même inflation. Ainsi, les tyrans se feront couper l’herbe sous le pied. Certes, cette abondance de capital nous confrontera à des pénuries ou autres problèmes logistiques réels, mais au moins, cette ressource chimérique ne sera plus un frein à tout ce que nous pouvons accomplir de bien sans que, pour voir le jour, ça ait à enrichir seulement des actionnaires passifs. Malheureusement, il est impossible de tout détailler ici l’activisme actif de la géninomie, pour des raisons de concision.
Maintenant, projetons-nous dans le futur. Plus personne ne manquera d’argent et le labeur inutile sera réduit au maximum, parce que plus personne ne voudra travailler pour rien ; un revenu de base universel géninomique y verra. Toute entreprise sera possédée par ceux qui en prendront soin et y dédieront leur temps. Enfin, il ne sera plus lâche d’être du côté de la passivité passive car le monde ne sera plus quelque chose à combattre, mais plutôt quelque chose à partager activement, puisque bâti activement par tout un chacun. Nous aurons la paix et elle nous offrira la liberté que nous cherchons futilement dans l’impératif kapital : « l’argent rend libre. »